Voilà un lieu plutôt fidèle au nom que lui ont donné en 1965, les premiers cuisiniers cathodiques français, Michel et Raymond Oliver après leur passage au Grand Véfour. Ce bistrot est pourtant beaucoup plus ancien. Il remonte à la IIème République. On pousse la porte et on tombe sur un décor signé Slavik avec luminaires boules et chaises thonet. La verrière classée au fond de la salle doit remonter à la Belle Epoque au temps où l’affaire s’appelait le bouillon Poensin.
Son d’une ambiance presque familiale, tout le monde semble se connaître. Le patron salue la plupart des clients par leur prénom. Bon indice, le chariot à pâtisseries au centre qui s’offre à la concupiscence et active les glandes salivaires.
Jean-Gabriel de Bueil se définit comme un collectionneur de vieux bistrots … tant il est vrai que son petit groupe qui a débuté avec l’achat du dit Bistrot de Paris en 2002 s’est étoffé depuis d’autres affaires aussi ancrées dans le patrimoine ( Chez Georges dans le 2e, Chez René dans le 5e, chez Fred dans le 17e, chez Savy dans le 8e). Il officie en famille avec son beau-frère. « Mais surtout sans financiers ! »
Les deux conservateurs ne cessent de mettre en valeur l’âme et l’histoire de leur Bistrot de Paris. Paul Valéry et André Gide y avaient leurs habitudes. Gainsbourg y avait sa table et aurait pris son dernier repas. Et puis entre Gallimard et le Centre National du Livre, le Bistrot de Paris est également le siège de plusieurs prix littéraires. Prix Valéry Larbaud, prix André Gide, prix de la revue des Deux Mondes…
Le patron a sa propre idée du bistrot qui se défend et se discute. Pour lui, un bistrot est nappé. Il y tient, même si cela lui coûte 5000€/mois en nettoyage. Mais sa particule ne l’a pas fait tomber dans l’élitisme. A preuve avec un plat du jour le midi plutôt copieux à 17€ et un premier prix de bouteille à 22€ pour un merlot du Languedoc il est presque sage dans ce beau quartier … L’homme est aussi à l’origine d’une sélection permanente de grands bordeaux à prix cavistes.
Surtout l’authenticité historique valorisée rejoint celle la cuisine. Vade retro micro-ondes et sauces en poudre de Nestlé. Sur les fourneaux, le fond de veau mijote en permanence dans son faitout. Œuf mayo et andouillette 5A Duval sont au menu. En automne, la carte distille des fragrances de sous-bois et de venaison comme ces noisettes de sangliers ou cette assiette de girolles et de cèpes coiffés de moelle.
L’attention sur l’origine du produit de bon aloi se détecte. Cela se sent autant sur le poireau que sur le haddock formidable -de JC David- avec son œuf poché (24€). Bon, on peut tomber en plat du jour sur du veau pas vraiment tendre, broutard plutôt que petit élevé sous la mère. Mais le goût y est.
En dessert, pas question de quitter le fait-maison pour aller se fournir ailleurs. Bien sûr il y a les tartes réalisées par la jeune pâtissière, Elsa, formée par le bistrot. Mais elle a de très bonnes idées comme ces petites poires pochées, sensuelles comme un baiser mouillé à la sortie d’un souper dans un bistrot de Paris…
Le Bistrot de Paris
33, rue de Lille
Paris 75007
Tél. 01 42 61 16 83
Fermé Dimanche et Lundi
Métro : Rue du Bac/ Saint-Germain des Prés
RER : Musée d’Orsay
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