Dans le « Top 5 » des cafés les plus célèbres du Monde figure les Deux Magots vont fêter leur 140 ans en avril prochain. 2000 clients par jour s’y pressent pour une moyenne de 800 couverts servis grâce notamment à la terrasse-jardin face à l’église Saint-Germain des Prés. Le chiffre d’affaires a suivi, passant de 8,5 millions d’euros en 2016 à 15 millions d’euros en 2022.
Entreprise familiale, les Deux Magots ont lancé ces dernières semaines une offensive médiatique. D’abord en annonçant l’avancement de leur prix littéraire de quatre mois puis autour d’une nouvelle signature, « L’art de vivre Paris ». Objectif : lancer une marque Les Deux Magots pour développer en France la vente à emporter avec des corners et à l’international avec des cafés et des corners. Bien que présent au Japon depuis très longtemps, cela a vraiment commencé en juin avec l’ouverture d’un Deux Magots à Riyad.
Interview de Jacques Vergnaud : Ancien Directeur général devenu coordinateur de la marque Les Deux Magots
Prix littéraire avancé, « art de vivre Paris » accolé à votre nom, nouveau café à Riyad et bientôt à Sao-Paulo, les Deux Magots font feu de tout bois ?
Avec ce 90ème prix, nous sommes revenus à la date originelle de septembre qui nous permet d’être mieux positionné qu’en janvier. Quant à cette notion d’Art de vivre, c’est l’accomplissement d’un travail que nous menons depuis cinq ans par petites touches. Une évolution sans révolution où l’on a travaillé la décoration et les différents espaces du café à commencer par la terrasse-jardin. Nous avons également revu le décor originel en repeignant les corniches des couleurs d’époque, modifié l’aménagement de la cuisine. Nous créons des événements culturels notamment les jeudis du jazz et nous avons lancé notre propre magazine. Notre carte a également été revue.
Justement, est-ce du fait-maison ?
A la base nous sommes un café littéraire devenu restaurant culturel. A part les escargots de Bourgogne ou le saumon fumé Petrossian qui ne sont pas maison, les frites sont fraîches et la tarte tatin reste le dessert maison. Nos recettes sont singulières comme le tartare avec son crumble d’herbes, il y a aussi la blanquette de veau. Pour ce qui est du plateau de pâtisseries qui circule dans la salle, il intègre des créations du MOF Arnaud Larher et quelques unes de la Grande Epicerie. On vend 12 000 pâtisseries par an et on compte bien « muscler » le service tout en développant les pâtisseries maison car c’est un axe fort.
Peut-on commander un café et rester le temps que l’on souhaite ?
Dans les années 2000, nous étions dans des logiques de rotation. Aujourd’hui, comme Simone de Beauvoir écrivant ses Mandarins aux Deux Magots en 1954, on peut rester toute la journée. Bon je ne vous dis pas que s’il y a une queue de 250 mètres et que tout est plein on ne fera pas passer un petit message… Mais avec 320 places nous avons beaucoup plus de disponibilités. Les files d’attente sont surtout pour la terrasse.
Nous allons ouvrir des « corners » Deux Magots pour la vente à emporter.
Il y a le café, il y a aussi le sandwich ?
On a arrêté le jambon-beurre en 2018. Nous travaillons désormais sur un snacking haut de gamme qui sera également proposé à emporter dans nos futurs corners.
Des corners Deux Magots?
Oui. Nous allons ouvrir des « corners » Deux Magots pour la vente à emporter. Le premier ouvrira en avril 2024 et ne sera pas très loin de Saint-Germain des Prés. Pour marquer le coup des 140 ans. On pourra y commander du snacking ou manger sur place au comptoir. Il y aura 5 de ces corners en France dont un à Roissy.
Vous lancez aussi des Cafés Deux Magots à l’international, comme à Riyad en juin ? A voir les photos de l’établissement saoudien, on est loin de l’original ? Ne craignez-vous pas d’alimenter le désenchantement du monde surtout quand on connaît le sort réservé aux opposants par ce régime ?
Je peux comprendre que cela puisse choquer. Les Saoudiens viennent beaucoup à Saint-Germain des Prés et ce restaurant c’est un peu comme une ambassade Deux Magots qui présente l’art de vivre Paris ajusté à la culture locale. Nous voulons exporter l’art de vivre Paris à l’international avec des valeurs d’élégance, d’authenticité, d’exemplarité, de bienveillance et de liberté de penser avec le prix des Deux Magots. A Riyad, le lieu travaille le côté chic et cosy, il y a beaucoup de bibliothèques dans la salle. Là-bas, on est obligé d’avoir une table plus grande car on est dans la culture du partage avec les plats posés au centre de la table.
Nous souhaitons demeurer une marque exclusive avec un lieu unique par pays, un « flagship » (navire amiral-NDLR) mais avec des points de vente autour.
Où en serez-vous dans 10 ans ?
Il y aura une douzaine -au maximum- de cafés dans le monde. Deux aux USA à New-York et Los-Angeles, deux en Chine, un à Dubaï, un à Tokyo, un à Mexico, un à Sao Paulo, un peut-être à Monaco. Plus celui de Paris. En Chine, on nous a proposé d’en lancer dans les 20 villes les plus importantes mais nous avons refusé. De même qu’en France pour des villes comme Nantes, Toulouse ou Strasbourg. Nous souhaitons demeurer une marque exclusive avec un lieu unique par pays, un « flagship » (navire amiral-NDLR) mais avec des points de vente autour. Nous ne voulons surtout pas tomber dans l’effet chaîne. Nous n’avons pas de fond de pension qui nous met la pression pour ouvrir. Nous sommes dans un temps long. Plus tard, les enfants de Catherine Mathivat – l’actuelle propriétaire- continueront l’histoire des Deux Magots.
A Paris, justement où plusieurs groupes de restauration sont adossés à des fonds de pension, quelle est la tendance du métier ?
Si vous n’avez pas une offre singulière, cela va être très difficile de gagner sa vie dans ce marché compétitif qui se recentre. Il y a de moins en moins d’acteurs avec de plus en plus de grands groupes tels que les Costes ou le Groupe Bertrand qui ont beaucoup d’affaires sur Paris. Les petits vont devoir proposer une offre très singulière et un service de proximité pour s’en sortir.
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