Paraphrasant Hugo, ce n’est pas l’ombre qui est Auguste* chez Gaël Orieux mais bien la mer à laquelle les hommages qu’il rend chaque jour ne semblent pas feints. Après saturation de choux farcis ou de burgers divers, le bol d’iode chez lui n’est pas superflu. Ce chef patiné aux fourneaux de grands noms comme Bocuse ou Alleno avait décidé de se lancer dans la haute-mer de la grande restauration en 2004. Michelin avait décoré son Auguste d’un macaron trois ans plus tard.
Evidemment, on n’est donc pas dans le bistrot. Plutôt le restaurant à la déco moderne et contemporaine sur des tonalités bleues et des tables de bois évoquant les lattes des planchers de goélettes. Tout ici transpire l’esprit maritime revisité comme ses murs exprimant les ondulations du sable sous l’effet des vagues. Hommes d’affaires, couples, touristes asiatiques communient autour des plats dans cet endroit qui délivre une formule intéressante pour un étoilé parisien.
Enfermé dans sa cabine, le chef a un côté Capitaine Achab traquant son Moby Dick. Il est à la manœuvre mais on ne le voit pas. Il a su résister à la vague de narcissisme démultipliée par les nouvelles technologies qui tournent la tête à certains de ses collègues… Lui serait plutôt du genre mérou tapi au fond d’une faille. Pas du genre à se laisser photographier dans ses fourneaux. Tant pis et tant mieux si c’est le prix à payer pour qu’il continue de protéger les océans à sa façon, recourant à autant de textures, d’accords et d’ingrédients exotiques (kumquat, Eryngii pleurote) laissant parfois notre champ lexical aussi démuni en vocabulaire qu’une plaine céréalière du Middle-West l’est en biodiversité…
Chez Auguste, à peine les amarres larguées, ça peut commencer par du craquant avec un croustillant de langoustines à la verveine, bavarois de betteraves jaunes et réduction de kumquat (39€). Puis une plongée facétieuse avec son « minestrone », «salicornes et asperges blanches » Chantilly d’asperges et crumble au sarrasin (29€), salé comme l’Atlantique et servi dans un bocal transparent où l’œil cherche le pilotin…
Son turbot, raviole laquée au vieux parmesan, juliennes, bouillon au lait de coco ( 45 €) semble échoué sur la berge et balloté par l’écume marine. Certains le trouveront un poil trop cuit, mais c’est une façon savoureuse de mettre le turbot dans le palais.
A terre, le chef n’oublie pas son Anjou natal avec un Pigeon d’Anjou cardamone et brioche séchée, eryngii, pulpe de raisins muscats (40€).
Retour au port pour le dessert avec un talentueux millefeuille réinterprété, crème à la fève tonna et un sorbet à l’aneth qui vous remet en joie comme un marin d’eau douce content d’avoir quitté la mer houleuse et savourant un anis au café en écoutant le vent dans les drisses des gréements.
Formule déjeuner
entrée-plat-dessert à 37€
(exemples : ris de veau persillade à la lyonnaise, lieu jaune relevé aux cerises, soufflé au grand-marnier)
Vin au verre à partir de 10€
*Booz endormi, la Légende des siècles Victor Hugo
54, rue de Bourgogne, 75007 Paris
Tél :01 45 51 61 09
Service · 12:00–14:00, 19:30–22:30 – fermé le week-end
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